(1820-1910). Lettre autographe signée à son ami, journaliste au Charivari, Taxile Delord. Paris. 113 rue St Lazare. 8vo. 4 pages.
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Superbe lettre de Nadar défendant ses intérêts de caricaturiste. « Mon cher Taxile, Je trouve dans le feuilleton des Débats de lundi dernier une attaque offensante et injurieuse au dernier des points. Il s’agit encore de l’exhibition des masques en plâtre de l’hippodrome (...) Les maquettes devaient être montées en carton peint et figurer dans un steeple chase grotesque. Chacun se prêta de très bonne grâce à ma besogne et M. Janin comme les autres monta une ou deux fois mes cinq étages d’alors 18 rue N.D de Lorette pour m’apporter sa tête.
(...) J’ajoute seulement pour rentrer dans la question personnelle qui m’occupe que M. Janin voulait bien trouver dans ce temps là que j’étais « un bel esprit qui tient très habilement le crayon et la plume » et que j’étais même « passé maître dans mon art » (Débats 17 mai 185-). (...) Veuillez lire, mon cher Taxile, cette échappée d’épithètes violentes et dites moi si la colère peut emporter plus loin un homme raisonnable. Vous me connaissez assez, je crois, pour ne pas douter que, partisan de la liberté absolue en tout et même en la critique de mes œuvres, je ne trouverais rien à reprendre à l’appréciation de M. Janin, si son exaspération ne le poussait jusqu’à l’injure personnelle grave qu’on ne laisse point passer. M. Janin compare mes caricatures à une publication par laquelle je n’ai pas à me prononcer, mais par laquelle on connaît ses sentiments et qui est pour lui, il ne perd pas cette nouvelle occasion de le dire, ce qu’il y a de plus méprisable au monde. Cette affirmation, la plus grosse des injures dans la pensée de M. Janin, il la complète en me traitant en toutes lettres de diffamateur. Et toute cette incroyable violence, toutes ces paroles blessantes, tous ces gros mots, tous ces mépris, à propos d’une simple et inoffensive caricature consentie presque avec empressement d’abord par le modèle. Il se trouve de plus en ceci que M. Janin va calomnier là justement quelqu’un qui n’a jamais diffamé personne, et je le dit bien haut en défiant le démenti. Jamais et M. Janin fait que le cas est peut-être assez rare pour que j’y insiste, jamais depuis les années longues déjà que je vis dans le journalisme, militant du soir au matin de ma plume et de mon crayon, jamais je n’ai attaqué personne dans ces choses que chacun a le droit de réserver, même dans mes antipathies les plus acerbes et dans mes jours de pire humeur. Et voilà qu’en récompense de cette longue réserve et bien éprouvée, je suis traité, pour une caricature, de misérable diffamateur ! Si la vanité physique blesse, peut elle donc aller jusque là ? Et qui m’appelle si gratuitement diffamateur, ennemi de toutes les gloires et de tous les honnêtes gens, moi qui vis bien et cordialement avec tous et qui ai gardé tous mes fervents enthousiasmes de jeunesse bien que M. Janin ait tout fait toute sa vie pour les éteindre ? C’est M. Janin, mon ancien camarade au Journal pour rire, dont je ne vais lui chercher certains articles de l’année 1848.49 pendant laquelle il a rédigé tout entier et anonymement ? C’est M. Janin qui a toujours trouvé, dans sa critique contre tous, toutes armes bonnes à ramasser à terre et la caricature à la plume aussi. C’est M. Janin qui m’accuse d’offenser les honnêtes gens, lui qui a injurié comme vous le savez les hommes de cette même date de 48 et le gouvernement provisoire auquel il allait porter dans les premiers jours avec la faculté des gens de lettres son adhésion, lui, mon camarade de rang dans cette manifestation et son bras dans mon bras. Mais tout ceci est l’affaire de M. Janin et qu’il s’en arrange avec sa conscience. Ce qui m’appartient à moi, c’est de ne pas permettre que sans motifs, sans provocation, comme par une sorte de folie furieuse et dans un inconcevable et injustifiable oubli de tous bons rapports passés, de toute vérité, de toute honnêteté – lui qui parle toujours d’honnêteté- de toute dignité des autres et de lui-même, M. Janin se permette de m’insulter. Je vous demande, mon cher Taxile, moins encore au nom de notre amitié réciproque que de la justice de ma cause, de me représenter en cette circonstance et de m’obtenir, si vous pouvez, satisfaction de M. Janin. ».